- évacuer
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1 ♦ Physiol. Rejeter, expulser de l'organisme. ⇒ éliminer, excréter; cracher, déféquer, uriner, vomir.2 ♦ Faire sortir (un liquide) d'un lieu. Évacuer les eaux usées. Conduite, tuyau qui évacue l'eau d'un réservoir. ⇒ déverser, vidanger, vider.3 ♦ Cesser d'occuper militairement (un lieu, un pays). ⇒ abandonner, se retirer. Évacuer une place forte, une position. Les Allemands évacuèrent la France en 1944. P. p. adj. Ville, zone évacuée. — Par ext. (fin XVIIIe) Quitter (un lieu) en masse, par nécessité ou par un ordre. ⇒ quitter, se retirer, 1. sortir. Évacuer un navire. ⇒ abandonner. Silence ! ou je fais évacuer la salle. « les gens du parterre se levèrent et commencèrent lentement à évacuer la salle » (Camus).4 ♦ (XIXe) Faire partir en masse d'un lieu où il est dangereux, interdit de demeurer. Évacuer la population d'une région sinistrée. P. p. adj. Les populations évacuées. Subst. Reloger les évacués.5 ♦ Fig. Se débarrasser de, refuser de tenir compte de. Évacuer un problème.⊗ CONTR. Accumuler, garder, retenir. Envahir, occuper.Synonymes :- éliminer- excréter- expulserFaire se déverser un liquide, le faire écoulerSynonymes :- vidanger- viderEn parlant de troupes, quitter un pays, un lieu après...Synonymes :évacuerv. tr.d1./d MED Expulser de l'organisme.d2./d Déverser (un liquide) hors d'un lieu. évacuer les eaux usées.d3./d Cesser d'occuper militairement (un lieu).— Pp. adj. Zone évacuée.|| Par ext. Quitter en masse (un lieu). Faites évacuer le navire.d4./d Transporter hors de la zone des combats. évacuer la population civile.|| Par ext. Transporter hors d'une zone dangereuse ou sinistrée. évacuer la population d'une région inondée.|| (Afr. subsah.) Transporter rapidement vers un centre de soins. évacuer une femme enceinte.d5./d (Afr. subsah.) Transporter (des produits) hors du lieu de production.⇒ÉVACUER, verbe trans.A.— [Le compl. désigne une chose qui est expulsée ou rejetée]1. [Le compl. désigne des excréments, des substances nocives accumulées dans une partie de l'organisme; p. méton. les effets ou manifestations de ces substances nocives] Expulser, rejeter, par les voies naturelles ou par intervention chirurgicale. Évacuer un hématome; évacuer des matières. Les vieux botanistes du seizième siècle les appréciaient [certaines hellébores], disant qu'elles évacuaient le flegme et la colère (HUYSMANS, Oblat, t. 1, 1903, p. 274). Le fameux grain de sable qui s'était mis dans l'uretère de Cromwell en serait aujourd'hui promptement évacué (VALÉRY, Variété V, 1944, p. 45). La vessie qui, à chaque miction, évacuait à peine quelques gouttes d'urine (GUÉHENNO, Jean-Jacques, Roman et vérité, 1950, p. 44).Rem. La docum. atteste des emplois pronom. à sens passif. Les matériaux de la pierre s'évacuent en sable léger, à mesure qu'ils se rassemblent dans la vessie (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 251). Le sang continuait de couler par la bouche, en filaments poisseux... J'entendais que sa poitrine s'évacuait par la gorge (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 151).— Emploi abs. Évacuer, évacuer par (le) bas. Déféquer. L'envie d'évacuer et l'envie d'uriner doit communiquer à l'anus et à l'urètre une turgescence amoureuse qui doit donner envie du mâle (MICHELET, Journal, 1858, p. 390).2. P. anal. Faire écouler, sortir. Évacuer les eaux de pluie. Ouverte en grand à l'atterrissage, la soupape sert à évacuer le gaz du ballon (MARCHIS, Nav. aér., 1904, p. 77). Le liquide filtré [par le filtre « l'Universel »] est recueilli au centre [du cylindre vertical] et évacué sous l'influence de la pression centripète (BRUNET, Matér. vinic., 1925, p. 448).Rem. La docum. atteste un emploi pronom. En ménageant une rigole sur le côté de la galerie, l'eau peut s'écouler et s'évacuer d'elle-même (J. CAHEN, BRUET, Carrières, 1926, p. 133).B.— [Le compl. désigne un lieu]1. Abandonner, quitter par ordre de l'autorité, de la force publique, ou en raison d'une nécessité quelconque. Évacuer la place, la salle. Je suis obligé judiciairement à quitter un appartement que j'ai à Chaillot, et à évacuer les lieux sous trois jours (BALZAC, Corresp., 1839, p. 590). On évacuait la ville. Des paysans passaient, avec leurs cochons et leurs chèvres (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 620) :• 1. Il eut un geste de désespoir, il donna l'ordre d'évacuer la fosse tout de suite. Ce fut une sortie lugubre d'enterrement, un abandon muet, avec des coups d'œil en arrière sur ces grands corps de briques, vides et encore debout, que rien désormais ne pouvait sauver.ZOLA, Germinal, 1885, p. 1543.— Emploi factitif. Faire évacuer la salle. Les huissiers faisaient évacuer les tribunes publiques (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 374). Le Préfet avait fait évacuer le péristyle (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 390).2. En partic., domaine milit. [Le suj. désigne des soldats, des civils] Abandonner, quitter (une place, une position) sous la pression de l'ennemi ou non. Évacuer un territoire. Sous cette double action, les Allemands évacuaient, (...) une large bande de terrain entre Guise sur l'Oise et Crécy-sur-Serre (FOCH, Mém., t. 2, 1929, p. 244). Les bois bombardés devenaient (...) impossibles à tenir et impossibles à secourir. Impossibles même à évacuer (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 16) :• 2. Il fallait évacuer Vouziers dès la pointe du jour, de façon à être en marche vers Le Chêne, avant d'avoir été attaqué; et, immédiatement, le camp s'emplit d'une animation extraordinaire, les clairons sonnaient, des ordres se croisaient; tandis que, déjà, les bagages et le convoi d'administration partaient en avant...ZOLA, La Débâcle, 1892, p. 111.— Emploi abs. Elle s'est arrangée pour évacuer. Ils sont en France, maintenant (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 247). Ils évacuaient. Aucun refuge n'était plus disponible. Aucune route n'était plus praticable. Ils évacuaient quand même (SAINT-EXUP., Pilote guerre, 1942, p. 317).Rem. La docum. atteste qq. emplois avec un compl. désignant un objet ou un matériel au sens de « faire partir, faire quitter (un lieu) » (cf. C 2). Le conseil de défense avait décidé d'évacuer sur Damas les trésors (BARRÈS, Jard. Oronte, 1922, p. 114). Il avait l'énorme matériel de la place de Verdun à évacuer (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 103).C.— [Le compl. désigne une pers. ou un groupe de pers.]1. Faire partir d'un lieu dangereux ou interdit par l'autorité. Évacuer les habitants d'une ville. La police, pour calmer l'effervescence, avait dû évacuer en hâte les femmes et les enfants (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 350) :• 3. Je survole donc des routes noires de l'interminable sirop qui n'en finit plus de couler. On évacue, dit-on, les populations. Ce n'est déjà plus vrai. Elles s'évacuent d'elles-mêmes. Il est une contagion démente dans cet exode. Car où vont-ils, ces vagabonds? Ils se mettent en marche vers le sud...SAINT-EXUPÉRY, Pilote de guerre, 1942, p. 316.Rem. La docum. atteste a) Un emploi pronom. (cf. ex. 3). b) Un emploi factitif. Les garçons de cabine et les grooms (...) agitant leur sonnette pour faire évacuer les visiteurs (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 45).2. En partic., domaine milit. [En temps de guerre] Envoyer vers l'arrière des personnels blessés ou malades. Des ambulances (...) qui vous évacuent des 7 000 malades par jour (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 110). Il vit la détresse du malheureux Tarkington et l'envoya à l'ambulance où l'on décida de l'évacuer en Angleterre (MAUROIS, Silences Bramble, 1918, p. 104).D.— Au fig. ou p. métaph., dans le domaine de la vie intellectuelle ou morale. Éliminer, faire disparaître. Certains (...) ne stérilisent pas moins d'énergie en évacuant de la conscience contemporaine le sens viril de la faute (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 706).Rem. 1. La docum. atteste l'adj. évacuable. Qui peut (doit) être évacué, que l'on peut évacuer. Un abri facilement évacuable. Emploi subst. Il y a cette question des évacuables. La mairie (...) va-t-elle (...) l'aider [l'ennemi] à expulser nos enfants et nos vieux (...)? Monsieur le maire, donnerez-vous cette liste d'évacuables? (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 31). 2. La plupart des dict. gén. du XIXe s. (dont Ac. 1798-1878), ainsi que Lar. 20e, QUILLET 1965 et Lar. Lang. fr. enregistrent évacuatif, ive, adj., vx. Qui fait évacuer. Drogue évacuative (Ac. 1798).Prononc. et Orth. :[], (il)évacue [evaky]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1314 méd. « faire sortir, rejeter, vider » (H. DE MONDEVILLE, Chirurgie, éd. A. Bos, § 761); 2. a) av. 1468 milit. « vider (un pays, un lieu, des personnes qui l'occupent) » (DUQUESNE, Hist. de J. d'Avesnes, Ars. 5208, f° 57 r° ds GDF. Compl. : evacuer [le pays] de vos ennemis); 1690 « cesser d'occuper un lieu » (FUR.); b) ca 1790 « quitter un lieu » (s. réf. ds BRUNOT t. 9, p. 775); 3. 1823 « faire sortir des personnes d'un lieu » (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, p. 127 : les malades (...) ont tous été évacués). Empr. au lat. class. evacuare « vider ». Fréq. abs. littér. :266. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 184, b) 230; XXe s. : a) 254, b) 697.évacuer [evakɥe] v. tr.ÉTYM. XIIIe, au sens médical; lat. evacuare « vider », de ex-, et vacuare, de vacuus « vide, inoccupé ».❖1 Méd., cour. Rejeter, expulser de l'organisme. ⇒ Éliminer, excréter. || Évacuer du sang par la bouche. ⇒ Cracher, vomir. || Faire évacuer le sang, les divers liquides organiques en excès dans un organe. ⇒ Dégager. || Évacuer l'humeur, le pus d'un abcès (→ Débrider, cit. 4). || Évacuer l'urine (⇒ Uriner; et, fam., pisser), les matières fécales (⇒ Déféquer, et, vulg., chier). Absolt. || Ce malade a-t-il bien évacué ? Vx. || Évacuer par le bas : déféquer.1 J'allais nettoyer votre corps et en évacuer entièrement les mauvaises humeurs.Molière, le Malade imaginaire, III, 5.2 (1870). Faire sortir (un liquide) d'un lieu. || Évacuer les eaux d'égout. || Conduite, tuyau qui évacue l'eau d'un réservoir. ⇒ Dégorger (fig.), déverser, écouler (faire écouler), vidanger, vider.3 (V. 1468). Milit. Cesser d'occuper (un lieu, un pays). ⇒ Abandonner, retirer (se). || Évacuer une place forte, une position pour se retirer sur des positions préparées à l'avance. || La Grande Armée dut évacuer Mayence. || Les troupes françaises évacuèrent la Rhénanie en 1930. || Les Allemands évacuèrent la France en 1944.2 Le peu de ces républicains qui avaient échappé au fer et à la famine évacua le Brésil par une capitulation du 28 janvier 1654.G.-T. Raynal, Hist. philosophique…, IX, 10.3 Le traité, aux yeux de Bonaparte, — et en réalité —, tenait essentiellement dans un paragraphe : l'Angleterre, à condition qu'avant six mois les troupes françaises eussent évacué Tarente, rendrait Alexandrie au Sultan et Malte aux Chevaliers de l'Ordre. Or, dès les premières semaines, Tarente avait été évacuée, mais, si les Anglais abandonnaient Alexandrie, ils ne faisaient nullement mine de quitter Malte.Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Le Consulat, XVII, p. 279.4 Les Russes ont pris Rostov. (Radio-Vichy trouve plus élégant d'annoncer : Les Allemands ont évacué Rostov).Gide, Journal, 16 févr. 1943.♦ (V. 1790). Cour. Quitter (un lieu) en masse, par nécessité ou par un ordre. ⇒ Quitter, retirer (se), sortir. || Le président fit évacuer la salle. || Silence ! ou je fais évacuer la salle. || La police fit évacuer la place (→ Disperser, cit. 6). || On fit évacuer l'hôpital. || Les passagers et l'équipage durent évacuer le navire. ⇒ Abandonner.5 La police n'avait eu que le temps d'intervenir. Le préfet avait fait évacuer le péristyle, et les agents avaient eu grand'peine à empêcher une foule délirante d'écharper l'Autrichien.Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 257.6 (…) l'orchestre se tut, les gens du parterre se levèrent et commencèrent lentement à évacuer la salle (…) les femmes rassemblant leurs jupes et sortant têtes baissées, les hommes guidant leurs compagnes par le coude et leur évitant le heurt des strapontins.Camus, la Peste, p. 219.4 (1823). (Compl. n. de personne). Faire partir en masse (d'un lieu où il est dangereux, interdit de demeurer). || Évacuer les malades, les blessés d'un hôpital (→ Convaincre, cit. 13). || Évacuer les habitants des régions sinistrées. || Évacuer les enfants des écoles, la population d'une grande ville par crainte des bombardements. — REM. On rencontre évacuer en parlant d'une seule personne, quand celle-ci fait partie d'un groupe (malade d'un hôpital, etc. → ci-dessous, cit. 7).7 Il était malade. On l'évacuait à l'hôpital de Bourges.R. Radiguet, le Diable au corps, p. 119.8 On évacue, dit-on, les populations. Ce n'est déjà plus vrai. Elles s'évacuent d'elles mêmes. Il est une contagion démente dans cet exode. Car où vont-ils, ces vagabonds ?Saint-Exupéry, Pilote de guerre, XV.♦ Milit. Envoyer vers l'arrière (du personnel ou du matériel). || Évacuer des troupes, du matériel d'un lieu trop exposé aux attaques de l'ennemi. || Évacuer les blessés du front.5 Fig. (Psychol., cour.). Se débarrasser de, refuser de tenir compte de (qqch. d'abstrait). || Évacuer un problème, une difficulté. ⇒ Liquider. || « L'enfant a compris qu'il peut liquider temporairement ses conflits externes et internes en recevant une bonne correction. Cela ne peut que l'engager à recommencer le lendemain puisqu'il a “évacué” le conflit précédent » (l'Express, 17 sept. 1973).——————évacué, ée p. p. adj.1 Qui a été rejeté, expulsé de l'organisme. || Matières évacuées.2 Dont on a fait partir les occupants. || Ville, zone évacuée. || Salle évacuée. ⇒ Vide.3 Qu'on a fait quitter un lieu. || Les malades évacués. || La population évacuée. N. (rare au sing. : un évacué, une évacuée). || Reloger les évacués d'une région sinistrée. — Milit. Se dit des blessés envoyés vers l'arrière (dans un groupe sanitaire). || Évacués civils et militaires.❖CONTR. Accumuler, garder. — Remplir. — Entrer, envahir, occuper, rester. — Hospitaliser, introduire; admettre.DÉR. Évacuant, évacuateur. — V. Évacuatif, évacuation.
Encyclopédie Universelle. 2012.